Nouvelles 09 DEC 2019
Le Comité exécutif de l’AMA approuve unanimement la non-conformité de l’Agence antidopage russe pour quatre ans
Aujourd’hui, le Comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage (AMA) a approuvé à l’unanimité la recommandation (en anglais) du Comité indépendant de révision de la conformité (CRC) visant à déclarer l’Agence antidopage russe (RUSADA) non conforme au Code mondial antidopage (le Code) pendant une période de quatre ans.
Les 12 membres du Comité exécutif, qui se sont réunis à Lausanne (Suisse), ont appuyé la recommandation du CRC, qui comprend une série de conséquences importantes et de conditions de réintégration conformément au Standard international pour la conformité au Code des signataires (SICCS).
Le président du CRC, Jonathan Taylor, c.r., a présenté ladite recommandation aux membres du Comité exécutif. Elle leur avait préalablement été envoyée le 25 novembre, en même temps que le rapport du service Renseignements et enquêtes de l’AMA et celui d’experts indépendants en criminalistique de l’École des Sciences criminelles de l’Université de Lausanne. Les membres ont ensuite posé des questions et ont discuté d’aspects précis de la recommandation.
Sir Craig Reedie, président de l’AMA, s’est exprimé sur le sujet : « La décision importante qu’a pris le Comité exécutif aujourd’hui démontre la détermination de l’AMA à agir avec fermeté dans le dossier de la crise du dopage en Russie, grâce aux solides capacités d’enquête de l’Agence, à la vision du CRC et à la capacité récemment acquise par l’AMA de recommander des sanctions importantes en vertu du nouveau Standard pour la conformité entré en vigueur en avril 2018. Ensemble, ces forces ont permis au Comité exécutif de prendre les bonnes décisions au bon moment.
« Les cas de dopage en Russie nuisent au sport propre depuis trop longtemps. La violation flagrante par les autorités russes des conditions de réintégration de RUSADA, approuvées par le Comité exécutif en septembre 2018, exigeait une réponse ferme. C’est exactement ce que nous avons fait aujourd’hui. La Russie s’est fait offrir toutes les occasions possibles de mettre de l’ordre dans ses affaires et de joindre à nouveau la communauté antidopage mondiale pour le bien de ses sportifs et l’intégrité du sport, mais a plutôt choisi de continuer dans la voie de la tromperie et du déni. En conséquence, le Comité exécutif a réagi de la manière la plus ferme possible, tout en protégeant les droits des sportifs russes qui peuvent prouver qu’ils n’ont pas été impliqués et n’ont pas bénéficié de ces actes frauduleux.
« Au nom du Comité exécutif, et des nombreux partenaires de l’AMA qui ont soutenu la recommandation du CRC, j’aimerais remercier les membres du CRC d’avoir mis à profit leur expertise pour produire une recommandation réfléchie, ainsi que le service Renseignements et enquêtes et les experts en criminalistique de l’AMA pour leur compétence, leur diligence et leur persévérance dans ce cas extrêmement complexe. »
Recommandation du CRC
Dans sa recommandation de 26 pages, le CRC rappelle les principaux faits de cette affaire, pour la plupart tirés du rapport du service Renseignements et enquêtes de l’AMA et de celui des experts en criminalistique. Dans les conclusions de ces rapports, on peut lire que les données de Moscou avaient été intentionnellement modifiées avant et pendant leur copie par l’AMA à des fins d’analyse médicolégale en janvier 2019.
Il va donc sans dire que les conditions de rétablissement approuvées par le Comité exécutif de l’AMA en septembre 2018, n’ont pas été respectées par RUSADA, car les données de Moscou ne sont ni complètes ni authentiques. Jonathan Taylor a rappelé aux membres du Comité exécutif qu’ils avaient estimé en septembre 2018, dans le cadre de la décision de réintégrer RUSADA dans la liste des signataires conformes au Code, que l’exigence de fournir une copie authentique des données de Moscou était « critique », car :
- elle permettrait à la communauté antidopage de résoudre enfin les allégations d’un complot systématique visant à doper les sportifs russes, et de tirer un trait sur cette affaire;
- elle veillerait à ce que tout sportif russe ayant obtenu des résultats positifs soit puni;
- tout aussi important, elle garantirait que les athlètes russes innocents puissent être disculpés de tout soupçon.
Le rapport du service Renseignements et enquêtes de l’AMA est fondé sur une évaluation médico-légale des incohérences relevées dans certaines des données du laboratoire de Moscou récupérées par l’AMA en janvier 2019. Compte tenu de la décision de l’AMA, le 17 septembre 2019, d’ouvrir une procédure de conformité à l’encontre de RUSADA, cette évaluation comprenait également l’examen des réponses des autorités russes à une liste de questions détaillées et techniques posées par le service Renseignements et enquêtes de l’AMA et les experts indépendants en criminalistique.
En lisant ces rapports, le Comité a jugé qu’il était clair que les données de Moscou n’étaient ni complètes ni entièrement authentiques. Comme il est indiqué en détail dans les rapports, certaines données ont été supprimées, d’autres, modifiées et, dans certains cas, des messages du système ont été créés dans l’optique d’entraver les travaux des enquêteurs de l’AMA. De plus, des mesures ont été prises pour dissimuler ces manipulations, par exemple en antidatant les systèmes informatiques et les fichiers de données dans le but de faire croire que les données de Moscou étaient dans leur état actuel depuis 2015.
Après avoir pris en considération tous les faits en jeu et la recommandation, de même que les conséquences et les conditions de rétablissement, le Comité exécutif a entériné intégralement la recommandation du CRC. L’AMA enverra donc à RUSADA une notification formelle de sa non-conformité à l’exigence de fournir une copie authentique des données de Moscou, et proposera les conséquences suivantes, qui entreront en vigueur à la date à laquelle la décision de la non-conformité de RUSADA deviendra définitive et le demeureront jusqu’au quatrième anniversaire de cette date (la « période de quatre ans ») :
Série de conséquences
- Les responsables/représentants du gouvernement russe ne peuvent être nommés et ne peuvent siéger à titre de membres des conseils, des comités ou d’autres instances d’un signataire du Code (ou de ses membres) ou d’une association de signataires.
- Les responsables/représentants du gouvernement russe ne peuvent participer ou assister aux manifestations suivantes durant la période de quatre ans : a) Jeux olympiques de la jeunesse (d’été et d’hiver); b) Jeux olympiques et paralympiques (d’été et d’hiver); c) toute autre manifestation tenue par une organisation responsable de grandes manifestations; d) tout championnat du monde organisé ou sanctionné par un signataire (les « grandes manifestations »).
- Au cours de la période de quatre ans, la Russie ne peut accueillir aucune édition d’une grande manifestation, ni présenter sa candidature à cette fin ou se voir accorder le droit d’en accueillir (pendant ou après la période de quatre ans).
- Lorsqu’un signataire a déjà accordé à la Russie le droit d’accueillir une grande manifestation au cours de la période de quatre ans, il doit révoquer ce droit et confier l’organisation de la manifestation à un autre pays, sauf s’il est impossible, sur le plan juridique ou pratique, de le faire. En outre, la Russie ne peut pas se porter candidate pour obtenir le droit d’accueillir les Jeux olympiques et paralympiques de 2032, que la soumission ait lieu pendant ou après la période de quatre ans.
- Le drapeau de la Russie ne peut être arboré lors d’aucune grande manifestation organisée au cours de la période de quatre ans.
- Ni le président, ni le secrétaire général, ni le chef de la direction, ni aucun membre du conseil d’administration ou de direction du Comité olympique russe ou du Comité paralympique russe ne peuvent participer ou assister à une grande manifestation organisée pendant la période de quatre ans.
- Les sportifs russes et leur personnel d’encadrement ne peuvent participer aux grandes manifestations organisées au cours de la période de quatre ans que s’ils sont en mesure de démontrer qu’ils ne sont d’aucune manière associés à la non-conformité et qu’ils remplissent certaines conditions, par exemple qu’ils ne sont pas mentionnés dans les rapports McLaren dans des circonstances incriminantes, qu’aucun résultat positif n’a été enregistré pour eux dans la base de données et qu’aucune donnée relative à leurs échantillons n’a été manipulée, et qu’ils ont fait l’objet des contrôles adéquats, selon l’AMA, en compétition et hors compétition avant la manifestation en question, conformément aux conditions strictes que définira l’AMA (ou le Tribunal arbitral du sport [TAS], s’il le juge approprié) en vertu du mécanisme prévu à l’article 11.2.6 du SICCS. Dans ces circonstances, ils ne peuvent pas représenter la Fédération de Russie.
- Compte tenu des circonstances aggravantes qui sont réunies dans cette affaire, RUSADA doit payer à l’AMA tous les frais que celle-ci a engagés dans ce dossier depuis janvier 2019, ainsi qu’une amende correspondant à 10 % de son revenu en 2019 ou 100 000 $ US, si ce montant est moins élevé. Il s’agit de l’amende maximale prévue par les règles et elle doit être payée en entier avant la fin de la période de quatre ans.
« Aujourd’hui, le Comité exécutif a rendu une décision ferme et sans équivoque, a indiqué Jonathan Taylon, c.r., président du CRC. Si elle est sévère pour les autorités, cette recommandation permet d’éviter de punir les innocents tout en défendant les droits des sportifs propres partout dans le monde. Un sportif russe sera autorisé à participer à des compétitions s’il prouve qu’il n’a pas pris part au programme de dopage institutionnalisé et que ses données n’ont pas fait l’objet de manipulations, qu’il a été soumis à des contrôles adéquats avant la manifestation en question et qu’il remplit toutes les autres conditions strictes à déterminer.
« L’AMA possède maintenant les noms de tous les sportifs suspects dans le Système de gestion de l’information du laboratoire (SGIL). Grâce à l’enquête criminalistique minutieuse, cette liste comprend les noms des sportifs dont les données ont été manipulées ou même effacées, notamment les 145 sportifs faisant partie du bassin cible de l’AMA dont les données sont les plus suspectes, mais d’autres également.
« Je comprends ceux qui pensent qu’il faudrait suspendre systématiquement tous les sportifs russes, qu’ils soient ou non impliqués, mais les membres du CRC, dont un sportif, étaient unanimes pour dire que, dans ce cas, ceux qui sont en mesure de prouver leur innocence ne devraient pas être punis. Je suis heureux que le Comité exécutif de l’AMA ait abondé dans notre sens. »
Le directeur général de l’AMA, Olivier Niggli, a déclaré : « L’objectif fondamental du nouveau Standard pour la conformité est de maintenir la confiance de tous à l’égard de l’engagement de l’AMA et de ses partenaires de faire le nécessaire pour défendre l’intégrité du sport contre le fléau du dopage. La décision de septembre 2018 de réintégrer RUSADA sous réserve de conditions strictes a dénoué une impasse de longue date en permettant à l’AMA de traiter ce dossier dans le cadre juridique rigoureux du nouveau Standard pour la conformité. Depuis, l’équipe Renseignement et enquêtes de l’AMA a récupéré les données et échantillons de Moscou, a confirmé une quarantaine de cas non concernés par la manipulation de données et a transmis 14 cas de réanalyse des échantillons (d’autres viendront) respectivement aux fédérations internationales et à RUSADA, afin que ces entités prennent des mesures appropriées. Les sanctions entérinées par le Comité exécutif aujourd’hui pour la manipulation de certaines données sont fortes et significatives – et n’auraient pu être imposées en vertu des anciennes règles. »
Activités de RUSADA
Au sujet de RUSADA, le Comité exécutif se rallie au point de vue du CRC, qui juge que les preuves (y compris les résultats des récents audits menés par l’AMA des activités de RUSADA) indiquent que le travail de RUSADA contribue efficacement à la lutte contre le dopage dans le sport en Russie et que RUSADA collabore de manière proactive avec d’autres organisations antidopage, notamment dans le cadre des enquêtes menées en Russie. Par conséquent, le Comité exécutif a accepté la recommandation qui consiste à n’imposer aucune surveillance, supervision ou prise en charge particulière des activités antidopage de RUSADA au cours de la période de quatre ans.
Toutefois, l’une des conditions du rétablissement est que l’AMA demeure convaincue tout au long de la période de quatre ans que RUSADA respecte les critères d’indépendance et que ses activités ne subissent aucune interférence extérieure inappropriée.
Prochaines étapes
Comme l’AMA l’a précisé dans son communiqué du 5 décembre, RUSADA aura 21 jours pour accepter la notification mentionnée ci-dessus.
- Si RUSADA conteste l’allégation de l’AMA, le dossier sera soumis au TAS (SICCS, article 10.4.1). En vertu du SICCS, « si le signataire souhaite contester la non-conformité alléguée, les conséquences proposées pour le signataire ou les conditions de rétablissement proposées (conformément à l’article 23.5.6 du Code), il doit en aviser l’AMA par écrit dans les 21 jours suivant la réception de la notification de l’AMA. L’AMA doit ensuite déposer une notification formelle de différend auprès du TAS, et ce différend est réglé par la Chambre d’arbitrage ordinaire du TAS. En vertu de l’article 23.5.9 du Code, toute décision du TAS concernant la non-conformité, les conséquences proposées et les conditions de rétablissement proposées sera contraignante et devra être reconnue et appliquée par tous les signataires.
- Si RUSADA ne conteste pas l’allégation de l’AMA, les conséquences de la non-conformité et les conditions de rétablissement proposées par l’AMA deviendront une décision finale. Toute partie qui aurait eu le droit, en vertu de l’article 23.5.7 du Code, d’intervenir dans les procédures du TAS qui auraient eu lieu si RUSADA avait contesté tout aspect de la notification de l’AMA, a le droit de porter la décision de l’AMA en appel devant la Chambre arbitrale d’appel du TAS, et ce, dans les 21 jours suivant la publication par l’AMA de la décision de RUSADA (SICCS, article 10.3.2). Si aucune partie n’interjette appel durant ces 21 jours, la décision finale devra être reconnue et appliquée par tous les signataires du Code. En cas d’appel, la décision du TAS sera contraignante et devra être reconnue et appliquée par tous les signataires du Code.
Entre-temps, l’AMA communiquera avec les signataires du Code et les autres partenaires susceptibles d’être touchés par cette décision afin de préciser quelles seront les prochaines étapes et de rappeler que l’affaire pourrait encore faire l’objet d’un appel devant le TAS. Enfin, il convient de préciser que cette recommandation ne s’appliquera pas aux Jeux olympiques de la jeunesse qui auront lieu le mois prochain, à Lausanne, étant donné le court délai avant la tenue de l’événement.