Nouvelles 11 JUIL 2018

L'AMA clarifie les faits concernant la décision de l'UCI à propos de Christopher Froome

Le 2 juillet 2018, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a annoncé qu’elle ne ferait pas appel de la décision de l’Union Cycliste Internationale (UCI) de ne pas conclure à une violation des règles antidopage (VRAD) le cas du cycliste britannique Christopher Froome.

L’Agence a accepté que le résultat analytique de l’échantillon de M. Froome, prélevé le 7 septembre 2017 durant la Vuelta a España, qui avait révélé la présence de salbutamol, une substance interdite, dans une concentration supérieure à la limite de décision de 1 200 ng/ml, ne constituait pas un résultat d’analyse anormal (RAA). La décision de l’Agence de ne pas faire appel de la décision de l’UCI, qui était l’autorité de gestion des résultats ayant une compétence exclusive dans ce dossier, a été prise après un examen complet et rigoureux de l’ensemble des explications et des preuves à l’appui soumises par M. Froome en juin 2018 (et que l’UCI a transmises à l’AMA), ainsi que la consultation exhaustive d’experts internes et externes. 

L’AMA est convaincue que l’UCI est arrivée à une décision juste et équitable dans ce cas très complexe et souhaite clarifier certains éléments qui ont fait l’objet de beaucoup de conjectures et d’informations erronées.

La substance, le contrôle et la science

Le salbutamol est un remède thérapeutique efficace contre l’asthme, sans propriétés connues d’amélioration de la performance quand on en inhale des doses thérapeutiques. Cependant, si on en prend des doses excessives ou par voies systémiques (p. ex., voie orale), il peut être un stimulant ou un agent anabolisant, raison pour laquelle il figure dans la Liste des interdictions avec un seuil d’utilisation.

L’AMA considère que le seuil actuel du salbutamol est à un niveau adéquat selon la littérature scientifique publiée sur cette substance au cours des vingt dernières années. Contrairement à d’autres substances, étant donné les variables relatives au salbutamol selon les conditions spécifiques de chaque cas, la règle est conçue pour permettre aux sportifs dont on découvre qu’ils ont dépassé le seuil d’avoir la possibilité d’expliquer comment cela est arrivé et de justifier une utilisation thérapeutique adéquate.

Dans le cas de M. Froome, le contrôle a été effectué de la même façon que pour tout autre sportif, par l’examen des données physiologiques et circonstancielles particulières qui pouvaient être clairement déterminées. M. Froome a pu démontrer au Tribunal de l’UCI comment il était possible qu’il ait pris une dose autorisée de salbutamol (1 600 mcg/24 h, sans dépasser 800 mcg/12 h) alors que l’échantillon prélevé contenait une concentration de la substance (1 428 ng/ml d’urine, après ajustement selon la gravité spécifique) supérieure à la limite de décision (1 200 ng/ml).

Dans certains autres cas, des sportifs ont pu démontrer une excrétion inhabituellement élevée de salbutamol au moyen d’une étude de pharmacocinétique contrôlée. Cependant, l’UCI a accepté le fait que, dans ce cas, une telle étude n’aurait pas produit de preuves fiables, car il aurait été impossible de recréer de façon adéquate les conditions semblables à celles du moment où M. Froome a subi le contrôle, en tenant compte de son état physique; ces conditions comprenaient une maladie, des symptômes d’asthme exacerbés, une augmentation progressive des doses sur une courte période, de la déshydratation et le fait que M. Froome était à mi-parcours d’une course cycliste de plusieurs jours.

En fonction de ces données et du fait que le système permet aux sportifs de démontrer qu’ils n’ont pas dépassé la dose maximale, il n’est pas rare que les cas relatifs au salbutamol se concluent sans qu’il y ait sanction. Entre 2013 et 2017, selon les données disponibles de l’AMA dans le Système d’administration et de gestion antidopage (ADAMS), sur les 41 cas terminés qui portaient sur le salbutamol comme seule substance :

  • 20 % (huit cas sur 41) se sont conclus par un acquittement;
  • environ 50 % (21 sur 41) ont entraîné une suspension;
  • les autres cas incluaient diverses circonstances, y compris des réprimandes reçues par les sportifs, la participation à des sports non signataires du Code mondial antidopage ou des cas où les sportifs avaient une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) valide.

Au cours de la même période, 57 cas impliquaient le salbutamol, soit seul (voir ci-dessus) ou en combinaison avec d’autres substances interdites :

  • 14 % d’entre eux (huit cas sur 57) se sont conclus par un acquittement; 
  • environ 50 % (30 sur 57) ont entraîné une suspension; 
  • les autres cas incluaient diverses circonstances, y compris des réprimandes reçues par les sportifs, la participation à des sports non signataires ou des cas où les sportifs avaient une AUT valide.

Pour ce qui est du cyclisme sur route, il n’y a pas eu de problème important au sujet de l’abus de salbutamol. Sans compter le cas de M. Froome, seulement quatre des 57 cas terminés impliquant cette substance concernaient ce sport. Parmi ces cas, trois ont entraîné une suspension de six à neuf mois et un s’est conclu par un acquittement.

Par conséquent, bien que les circonstances particulières du cas de M. Froome soient uniques, le résultat auquel l’UCI est arrivée n’est pas inhabituel. L’AMA estime qu’il s’agit d’un résultat juste et équitable d’un cas très complexe et que M. Froome méritait d’être traité avec autant d’équité que tout autre sportif.

Afin de rester à jour dans ce domaine complexe de l’antidopage et, comme on le voit dans le document relatif au salbutamol qui est joint ci-dessous, l’AMA a financé et soutenu un certain nombre d’études sur le salbutamol au fil des ans et continue à le faire. Nous incluons ci-dessous une liste détaillée des publications provenant d’études financées par l’AMA qui concernent l’excrétion de salbutamol, car l’AMA encourage les équipes de recherche à publier les résultats de leurs études dans des revues à comité de lecture. (Des études non financées par l’AMA ont également été publiées et ont fourni des données utiles.)

  • Sporer, Sheel et McKenzie, Med Sci Sport Exerc, 2008, 40:149
  • Sporer, Sheel, Taunton, Rupert et McKenzie, Clin J Sports Med, 2008, 18:282.
  • Mareck, Guddat, Schwenke, Beuck, Geyer, Flenker, Elers, Backer, Thevis et Schanzer, Drug Test Analysis, 2011, 3:820
  • Elers, Morkeberg, Jansen, Belhage, Backer, Scan J Sport Med, 2012b: 22: 232–239
  • Dickinson, Hu, Chester, Loosemore et Whyte, Clin J Sport Med, 2014, 24:482
  • Elers, Pedersen, Henninge, Hemmersbach, Dalhoff et Backer, Int J Sport Med, 2011, 32:574
  • Elers, Pedersen, Henninge, Hemmersbach, Dalhoff et Backer, Clin J Sport Med, 2012, 22:140
  • Dickinson, Hu, Chester, Loosemore et Whyte, J Sport Sci Med, 2014, 13:271
  • Dickinson, Hu, Chester, Loosemore et Whyte, Clin J Sport Med, 2014, 24:482
  • Haase, Backer, Kalsen, Rzeppa, Hemmersbach et Hostrup, Drug Test Analysis, 2016, 8:613
  • Hostrup, Kansel, Auchenberg, Rzeppa, Hemmersbach, Bangbo et Backer, Drug Testing Analysis, 2014, 6:528 (le résumé final est en attente)

Outre ces études, il en existe d’autres en cours dans ce domaine. En vertu des modalités des ententes entre les équipes de recherche et l’AMA, ce sont les équipes de recherche qui sont propriétaires des données et des études. Par conséquent, l’AMA n’est pas autorisée à divulguer des données non publiées provenant de projets terminés ou en cours. Par contre, tous les projets de recherche subventionnés par l’AMA figurent dans la section Recherche de notre site Web et comprennent un sommaire des objectifs du projet ainsi qu’un résumé des résultats et des conclusions, le cas échéant.

De toute évidence, quand il s’agit de cas complexes comme celui-ci, l’AMA consulte des experts internes et des experts externes indépendants, y compris le groupe d’experts Liste de l’AMA, qui est responsable de fournir au Comité Santé, médecine et recherche de l’AMA des conseils, des recommandations et une direction en matière de publication, de gestion et de mise à jour de la Liste des interdictions.

Le processus

Du début jusqu’à la fin, l’UCI a assumé la responsabilité exclusive de la procédure et en a effectué toutes les étapes. Bien qu’elle n’ait pas été partie à la procédure, l’AMA a réagi pendant tout le processus de gestion des résultats de l’UCI, qu’elle a aidée quand il était nécessaire.  

Après avoir été informés du résultat d’analyse anormal (RAA) présumé en septembre 2017, l’UCI et M. Froome, le 28 décembre 2017, ont conclu un accord de procédure ad hoc (l’AMA n’a aucunement participé au processus ayant mené à cet accord). L’UCI et M. Froome ont convenu que les demandes de preuve de M. Froome seraient décidées par le Tribunal antidopage de l’UCI. Les demandes ont été déterminées par le tribunal à la mi-mars 2018 après des soumissions importantes de M. Froome et de l’UCI.

Le 31 janvier, M. Froome a envoyé une lettre à l’AMA demandant de l’information précise au sujet des bases scientifiques du seuil et de la limite de décision pour le salbutamol. Le 5 mars, l’AMA a fourni aux parties au dossier de l’information sur la limite de décision et les raisons qui la justifient.  

En avril, l’AMA a demandé à intervenir dans les procédures de l’UCI en tant que tierce partie afin de répondre à toute question relative au régime du salbutamol, mais sa demande a été refusée par le Tribunal de l’UCI. Malgré ce refus et dans le but d’aider les parties, l’AMA a fourni le 15 mai une note plus détaillée sur le régime du salbutamol en répondant fondamentalement aux questions de M. Froome.

Quand l’AMA a reçu les explications et les preuves importantes de M. Froome le 4 juin, elle s’est dépêchée de les passer en revue avec les experts internes et externes, et a contacté l’UCI avant de faire sa déclaration le 28 juin. Ensuite, le 2 juillet, l’UCI a annoncé sa décision de clore le cas.

Il est à noter que, jusqu’à ce que l’AMA ait reçu les explications détaillées de M. Froome le 4 juin, elle considérait que ce cas méritait que l’on fasse une étude de pharmacocinétique contrôlée et, au besoin, que des mesures disciplinaires soient prises au niveau de l’UCI et du Tribunal arbitral du sport.

Cependant, en fonction de ce que l’UCI a fourni à l’AMA et une fois que les explications de M. Froome ont été évaluées par les experts internes et externes appropriés, il est devenu clair pour l’AMA que, notamment, la combinaison de la variabilité intra-sujet démontrée dans l’excrétion du salbutamol, de l’augmentation soudaine importante du dosage de salbutamol avant le contrôle du dopage et du nombre de contrôles du dopage consécutifs signifiait que le résultat d’analyse ne pouvait pas être considéré comme incompatible avec l’ingestion de salbutamol inhalé selon la dose maximale autorisée.

Pour les raisons mentionnées ci-dessus, l’AMA estime qu’accepter les explications de M. Froome était la bonne chose à faire et constitue un résultat équitable.   

L’avenir

Chaque cas est évalué selon ses propres circonstances et cette décision ne change rien au sujet du contrôle ou du régime. Actuellement, il n’y a pas de preuve indiquant qu’un changement de seuil ou de limite de décision pour le salbutamol soit nécessaire. L’AMA a pris note de certains commentaires publics remettant en question le seuil du salbutamol et la façon dont il a été déterminé. Il est à remarquer que les études menées au cours des dix dernières années – à la fois financées par l’AMA et indépendantes – ont renforcé la légitimité du seuil actuel.

Cependant, étant donné qu’elle reconnaît la complexité de certains cas précis liés au salbutamol, en particulier le fait que les voies d’administration différentes ne peuvent pas être distinguées par l’analyse d’urine, l’AMA continuera à consulter des experts du domaine et à effectuer des recherches dans le domaine. Comme pour tous les aspects de la Liste des interdictions, dès que de nouvelles données scientifiques sont rendues disponibles, l’AMA les évalue pour s’assurer d’appliquer les résultats des recherches les plus récentes et d’offrir la meilleure protection des droits de tous les sportifs.