Nouvelles 21 JUIN 2011
La réalisation d’un rêve olympique
Le sumo, les arts martiaux, le football et le baseball sont parmi les sports les plus populaires au Japon. Si la natation tarde à être considérée comme l’une des forces sportives du pays, les nageurs japonais ont tout de même offert de remarquables performances au fil des ans. C’est le cas, notamment, de Daichi Suzuki, médaillé d’or aux Jeux olympiques de Séoul en 1988.
Comme la plupart des enfants de Narashino (Chiba), en banlieue de Tokyo, Daichi a joué au baseball et au football. C’est à sept ans qu’il s’est tourné vers la natation et s’est inscrit au club de son quartier. Ne sachant pas encore nager, Daichi a noté sur son formulaire d’inscription que son rêve le plus cher était de participer aux olympiques. Non seulement son rêve s’est réalisé en 1984 et, en 1988, Daichi est devenu l’un des sportifs olympiques les plus célèbres du Japon.
Depuis sa victoire aux Jeux de 1988, Daichi, est resté actif dans le milieu du sport. Maintenant âgé de 43 ans, il est entraîneur-chef de l’équipe universitaire de natation à l’Université Juntendo de Tokyo, où il enseigne aussi. Outre son engagement au sein du Comité des sportifs de l’AMA, Daichi est membre de plusieurs organisations au Japon, dont la fédération de natation du Japon, le Comité des athlètes du Comité olympique japonais et le Conseil de l’Agence antidopage du Japon.
Voici ce que Daichi avait à nous dire à propos de sa carrière, de la lutte contre le dopage dans le sport et de son rôle de modèle auprès des jeunes sportifs.
Franc Jeu : Lors des Jeux olympiques de Séoul en 1988, l’Américain David Berkoff était favori pour remporter la finale du 100 m dos, parce qu’il avait déjà établi un record du monde lors des préliminaires. Vous avez suscité beaucoup d’émoi en battant son record et en remportant la médaille d’or. Quels souvenirs gardez-vous de cette finale?
Daichi Suzuki : À l’époque, je ne croyais pas qu’il s’agissait d’un événement si extraordinaire, et je suis toujours de cet avis aujourd’hui. Lors des Jeux mondiaux universitaires de Zagreb, en 1987, nous avions nagé l’un contre l’autre dans les épreuves du 100 m et du 200 m dos et lors du premier relais du 400 m quatre nages. Je n’ai perdu aucune de ces compétitions. En analysant son style de nage, j’avais remarqué qu’il nageait habituellement plus vite lors des épreuves préliminaires que lors des épreuves finales. J’ai donc décidé de conserver toute mon énergie lors des épreuves préliminaires afin de pouvoir nager plus rapidement pendant les épreuves finales. Avant la course, j’étais donc confiant de pouvoir remporter la médaille d’or.
Je rêvais de gagner la médaille d’or depuis les Jeux de 1984 et j’ai beaucoup visualisé cette victoire pour les Jeux olympiques de 1988. Mon rêve s’est réalisé. C’était un sentiment étrange, parce que les choses se sont produites presque exactement comme je les avais imaginées! J’ai alors compris le grand pouvoir de la pensée positive et de la visualisation.
FJ : Vous étiez un nageur très talentueux. Vous avez participé à vos premiers Jeux olympiques à 17 ans et vous avez pris votre retraite après avoir remporté votre médaille d’or à l’âge de 21 ans. Pourquoi avez-vous décidé de vous retirer si tôt?
DS : Je me suis retiré de la compétition très tôt, en effet. À l’époque, je souhaitais me concentrer sur mon avenir et ma carrière. J’avais atteint mon objectif ultime et je trouvais important de me concentrer sur l’amélioration des conditions des futurs nageurs. Durant les années 80 et 90, la fédération japonaise de natation ne permettait pas à ses membres de devenir nageurs professionnels. Il était donc impossible de gagner sa vie en pratiquant ce sport. De plus, nous ne pouvions ni accepter de contrats de publicité ni accorder d’entrevues à des magazines. En fait, nous ne pouvions pas avoir de carrière en natation. Pour toutes ces raisons, j’ai choisi une autre voie. Il me fallait gagner ma vie.
FJ : Qu’avez-vous appris du sport?
DS : Plusieurs choses. Le sport m’a appris que les grands efforts sont récompensés. C’est en travaillant avec acharne-ment qu’on réalise ses rêves. Le sport m’a donné confiance en moi et m’a ouvert bien des portes dans le monde entier. FJ : Lors des Jeux olympiques de 1988, le Canadien Ben Johnson a remporté le 100 m et a établi un nouveau record du monde, mais il a été disqualifié après avoir été contrôlé positif au stanozolol (un stéroïde interdit). Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris la nouvelle?
DS : C’est intéressant; j’ai gagné ma course la même journée que Ben a gagné le 100 m. Je me souviens très bien de cette course. Un ami et moi l’avons regardé depuis une salle de conférence de la piscine. Quelques jours plus tard, son contrôle positif a été annoncé. Même si je n’avais rien à me reprocher et que je n’avais pris aucune substance interdite, j’ai été nerveux jusqu’au moment de mon contrôle du dopage. J’ai été stupéfié et déçu lorsque j’ai appris la nouvelle à propos de Ben.
FJ : En tant que sportif d’élite, aviez-vous déjà entendu parler du dopage?
DS : Oui. Je savais que le problème du dopage existait et j’avais déjà été contrôlé. Je savais que le dopage était dangereux et déloyal.
FJ : Comment percevez-vous votre rôle de membre du Comité des sportifs de l’AMA?
DS : Traditionnellement, les sportifs japonais sont des sportifs propres et n’envisagent pas de se doper. Les valeurs morales strictes prônées à l’école, à la maison et dans la société japonaise ont fait en sorte que notre jeune génération valorise l’équité et le travail acharné. En tant que membre du Comité des sportifs de l’AMA, je peux promouvoir ces valeurs et les partager avec le monde entier. Je pense que nous pouvons agir à titre de modèles. De plus, en tant que professeur et chercheur à l’université, je peux recueillir beaucoup de données importantes sur la lutte contre le dopage. J’espère arriver à utiliser ces infor-mations pour renforcer encore les pratiques antidopage.
FJ : Selon vous, quel sera le plus grand défi de la lutte contre le dopage dans le sport au cours des dix prochaines années?
DS : Les compagnies pharmaceutiques cherchent à créer de nouvelles substances de plus en plus sophistiquées. L’AMA doit comprendre ces nouvelles avancées pour con-tinuer à lutter contre le dopage. C’est un cycle permanent.
FJ : L’éducation des jeunes sportifs est l’une des priorités de l’AMA. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes sportifs?
DS : Je leur dirais de toujours promouvoir l’esprit du franc jeu, de cultiver le sens de la justice et une attitude de samouraï.
FJ : Vous êtes resté actif dans le milieu sportif comme entraîneur de l’équipe universitaire de natation et de professeur à l’Université Juntendo, mais aussi de membre de plusieurs comités. Quelles sont vos autres activités?
DS : Actuellement, je me consacre à ma recherche, à mes projets bénévoles et, bien entendu, à ma famille. Je joue aussi du shakuhachi (flûte japonaise traditionnelle). J’aime beaucoup cette activité. L’un de mes objectifs de vie est de maîtriser un sport, un instrument de musique et une langue seconde. Ces projets m’aident à m’épanouir.
FJ : En tant qu’ancien sportif d’élite, vous voyez-vous comme un modèle?
DS : Oui. Je fais toujours de mon mieux pour donner le bon exemple et, à mon avis, tous les athlètes olympiques devraient en faire de même.
Photo : Daichi Suzuki avec de jeunes nageurs.