Nouvelles 02 JUIN 2015
Entrevue de l’AMA : Mme Thorhild Widvey
Thorhild Widvey est la ministre norvégienne de la Culture et elle est membre du Comité exécutif de l’AMA, qui l’a récemment interrogée sur l’ardeur de son pays à promouvoir le sport propre. (Photo: Ilja C. Hendel)
Vous êtes ministre de la Culture depuis 2013 – s’agit-il d’un domaine qui vous a toujours passionnée?
TW : Je m’enthousiasme pour beaucoup de choses. Quand j’étais enfant et adolescente, je pratiquais plusieurs sports et je chantais dans une chorale; j’ai même été chef de chœur.
À titre de ministre norvégienne de la Culture, j’ai l’honneur de rencontrer des musiciens – de tous genres –, des artistes et des sportifs de très haut calibre. Ces rencontres sont pour moi une très grande source d’inspiration.
Le franc jeu et le sport propre sont de la plus haute importance dans tous les domaines. Il est vrai que la lutte contre le dopage dans le sport et la protection des sportifs propres me tiennent vraiment à cœur. J’appuie énergiquement le principe selon lequel tous les athlètes ont un droit fondamental au franc jeu ainsi que le droit de pratiquer un sport exempt de dopage. Nous avons tous une responsabilité commune d’atteindre cet objectif.
Quels sont, selon vous, les principaux défis dans le sport compte tenu de ce nouveau chapitre de la lutte contre le dopage?
TW : Bien que les activités liées aux renseignements et aux enquêtes aient habituellement été assurées dans le passé par des instances comme la police, il incombe désormais aux organisations antidopage de s’impliquer concrètement dans ce travail, en plus d’effectuer des contrôles.
Pour bien des organisations antidopage, il s’agit d’un aspect nouveau et inconnu qui constitue un réel défi. Compte tenu de la nature de cette activité, il est de plus en plus évident que les organismes responsables des renseignements, des enquêtes, des contrôles et des poursuites doivent être indépendants des fédérations sportives de manière à éviter tout conflit d’intérêts éventuel.
Y a-t-il certains changements au Code auxquels vous teniez particulièrement?
TW : J’estime que le Code est maintenant plus juste quant aux sanctions qui s’appliquent aux sportifs : le dopage intentionnel entraîne une suspension de quatre ans, tandis que le dopage par inadvertance est traité avec plus de souplesse qu’auparavant. Je suis heureuse également que le Code révisé tienne compte des principes fondamentaux des droits de l’homme et de proportionnalité des sanctions.
Je comprends aussi que l’AMA souhaite renforcer son rôle de supervision, ce qui est crucial, selon moi, pour l’efficacité et l’efficience des organisations antidopage qui doivent se conformer au Code. Notre objectif commun est de nous assurer que les sportifs propres sont en mesure de disputer des compétitions dans un contexte équitable pour tous. J’estime que les outils tels que le Document technique pour les analyses spécifiques par sport (DTASS) et le Passeport biologique de l’Athlète (PBA) contribueront à l'atteinte de cet objectif.
Compte tenu du fait que l’AMA constitue un partenariat à 50/50 entre le Mouvement sportif et les gouvernements, sur quels aspects les gouvernements doivent-ils concentrer leurs énergies?
TW : En tant que gouvernements, nous accordons une attention particulière aux engagements qui nous lient en vertu de la Convention internationale contre le dopage dans le sport de l’UNESCO et de la Convention antidopage du Conseil de l'Europe. Ces conventions obligent les gouvernements à appuyer leurs organisations nationales antidopage (ONAD) à remplir leurs obligations. À cet égard, il est de la plus haute importance qu’ils mettent l’accent sur la mise en œuvre du Code mondial antidopage 2015.
L’AMA a parlé dans le passé de la nécessité que les gouvernements adoptent des lois rendant illégaux la distribution et le trafic de substances interdites (comme cela est souligné dans la Convention de l’UNESCO) et qu’ils appliquent des lois permettant aux organisations antidopage de partager leurs renseignements avec les forces de l’ordre. Quelle est la position de la Norvège et de son ONAD sur ce sujet?
TW : La Convention antidopage du Conseil de l'Europe ratifiée en 1989 stipule que les parties devront adopter des lois restreignant la disponibilité des substances dopantes. Le trafic de ces substances est illégal en Norvège depuis 1993. En outre, l’entrée en vigueur le 1er juillet 2013 d’une nouvelle loi rendant illégales l’utilisation et la possession de substances dopantes marque un jalon très important.
Je sais qu’Antidopage Norvège a soumis trois cas au panel judiciaire antidopage en 2014 sur la base de conclusions non analytiques (importation de substances interdites), et cela résultait d’un partage d’informations avec la police. Les accords officiels d’Antidopage Norvège avec les autorités policières et douanières ont contribué à renforcer ce type de collaboration. D’un point de vue international, j’estime qu’il est capital d’informer et de conseiller les autorités nationales sur les moyens à prendre pour développer ce travail au maximum.
Les compléments alimentaires constituent un autre sujet chaud dans le domaine de la lutte contre le dopage. Que fait la Norvège à cet égard?
TW : Nous avons des lois claires sur les compléments alimentaires en Norvège. Ils sont considérés comme un produit alimentaire et sont assujettis à la réglementation de l’Autorité norvégienne de sécurité des aliments.
Je suis consciente, toutefois, que certains compléments sont contaminés, ce qui constitue un problème considérable. Il est important d’accroître la sensibilisation à ce problème et de continuer à améliorer les mécanismes de surveillance des compléments alimentaires. Nous avons tous des défis à relever dans ce domaine. Je sais qu’Antidopage Norvège déploie des efforts énergiques à cet égard, dans un contexte de santé publique également.
La Norvège est souvent citée comme un leader de la lutte antidopage, notamment en raison de ses partenariats dans ce domaine avec la Chine, la Russie et le Kenya. Quelle est l’importance de ces partenariats pour la position de la Norvège sur le sport propre?
TW : Quand on parle des efforts antidopage et de la lutte pour promouvoir le franc jeu et le sport propre, il ne faut pas se limiter aux activités nationales. Les collaborations et les partenariats internationaux ont une grande importance. C’est la philosophie de la Norvège depuis maintenant 20 à 25 ans.
Comme elle dispose d’une organisation antidopage nationale bien établie, la Norvège a la responsabilité et le désir d’aider les autres pays actifs sur la scène sportive à mettre sur pied des organismes et des programmes antidopage nationaux efficaces. Elle a d’ailleurs fourni des conseils à plusieurs nations à ce chapitre. Je tiens à souligner que la participation et la contribution de l’AMA dans ces partenariats ont joué un rôle déterminant pour leur réussite.
Dans le rapport 2013 de données sur les contrôles antidopage, les résultats d’analyse anormaux de tous les athlètes contrôlés en Norvège s’élèvent à 1,3 % seulement. S’agit-il d’une juste représentation du niveau de dopage dans le pays?
TW : Tous les sportifs de haut niveau proviennent au départ de milieux de moindre envergure. C’est l’une des raisons pour lesquelles la Norvège, par son programme antidopage, doit rejoindre les milieux de l’entraînement à l’échelle locale, de façon à permettre aux athlètes d’adopter la bonne attitude à l’égard du dopage en les éduquant.
Nous ne pouvons pas nous concentrer uniquement sur le nombre de contrôles positifs. Il est difficile d’affirmer que le pourcentage cité est un véritable reflet de la situation du dopage en Norvège. Le Code mondial antidopage exige que les organisations antidopage procèdent à des contrôles ciblés. Pour y arriver et pour faire un suivi étroit auprès de nos sportifs de haut niveau, nous avons besoin d’échantillons suffisants de ces athlètes pour maintenir des profils appropriés pour chacun d’eux. La méthode d’établissement des profils suppose qu’un certain nombre d’échantillons ne sont pas nécessairement recueillis dans une optique de détection. Il faut prendre cela en compte lorsqu’on discute d’un pourcentage d’échantillons positifs.