Nouvelles 26 JUIN 2025
Déclaration de l'AMA sur le projet de loi de la commission du commerce du Sénat américain

L’Agence mondiale antidopage (AMA) note qu’hier, la commission du commerce du Sénat américain a présenté un projet de loi qui, s’il était adopté, donnerait au Bureau de la politique nationale de contrôle des drogues (Office of National Drug Control Policy – ONDCP) le pouvoir de suspendre sa contribution annuelle à l’AMA(1).
Le projet de loi, qui a été présenté pour la première fois en janvier par la Commission spéciale de la Chambre des représentants sur le Parti communiste chinois, a été motivé par des cas de contamination sans faute remontant à 2021 et impliquant 23 nageurs chinois. Les cas ont été rendus publics pour la première fois en avril 2024 et en juillet 2024, un procureur indépendant, M. Eric Cottier, a mené un examen approfondi de la gestion de ces cas par l'AMA, et a déterminé que l'AMA n'avait pas fait preuve de partialité envers la Chine et que la décision de l'Agence de ne pas faire appel de ces cas auprès du Tribunal arbitral du sport (TAS) était indiscutablement raisonnable sur la base des éléments disponibles. À l'époque, le Comité exécutif de l'AMA (ExCo), qui comprenait le représentant des Amériques, le Dr Rahul Gupta (alors directeur de l'ONDCP), a accueilli favorablement les conclusions de M. Cottier.
Bien que le procureur indépendant ait conclu que l’AMA avait toujours respecté les règles, M. Travis Tygart, directeur général de l’Agence antidopage des États-Unis, n’a eu de cesse d’utiliser les médias et le Sénat dans le cadre de sa campagne politique pour relancer l’affaire des 23 nageurs chinois ; désinformer les sportifs et les autres parties prenantes ; et, surtout, porter le plus grand préjudice possible à la réputation de l’AMA. Dans cette optique, M. Tygart a fait pression sur la commission sénatoriale pour qu'elle adopte ce projet de loi qui permettrait aux États-Unis de ne pas payer leur cotisation à l'AMA s'ils ne se voyaient pas accorder une représentation privilégiée au sein du modèle de gouvernance de l'AMA.
Sur le papier, le projet de loi "donne en permanence à l'ONDCP l’autorité de retenir jusqu’au montant total des cotisations à l’AMA s’il est établi que l’Agence ne dispose pas d’un modèle de gouvernance qui assure une représentation équitable des États-Unis, qu’elle n’a pas pleinement mis en œuvre les réformes de gouvernance ou qu’elle n’a pas permis à certains rôles décisionnels, en particulier aux sportifs indépendants des États-Unis et d’autres pays démocratiques, ou à leurs Représentants, d’avoir des rôles décisionnels au sein de l’ExCo et du Conseil, ainsi que dans tous les groupes consultatifs d’Expert, comités permanents, comités spéciaux permanents et groupes de travail pertinents".
Le fait est que l'AMA a déjà introduit de vastes réformes en matière de gouvernance en 2018 et 2022. Ces réformes résultent d'un processus d'examen approfondi de la gouvernance de l’organisation, y compris à travers plusieurs consultations publiques. Ce processus a été mené par un groupe d'experts en gouvernance et dirigé par un président indépendant. Les réformes, qui ont été entièrement mises en œuvre, ont été soutenues par l'ExCo de l'AMA et approuvées à l'unanimité par les représentants des autorités publiques et du Mouvement sportif au Conseil de fondation de l'AMA (Conseil). Les réformes ne visent pas (et ne peuvent pas) à garantir la représentation des États-Unis ou de tout autre pays. Toutefois, le Conseil des sportifs de l’AMA, composé de 20 sportifs choisis par les sportifs, prévoit la représentation des sportifs au sein de l’ExCo, du Conseil de fondation, de tous les comités permanents et de tous les comités spéciaux permanents, groupes consultatifs d’experts et groupes de travail pertinents. Cela garantit que les voix des sportifs sont entendues et incluses dans le processus de prise de décision. Les réformes ont également introduit des critères d’indépendance pour les officiels de l’AMA et les ont soumis à un Code d’éthique sous l’autorité d’un Comité d’éthique indépendant.
En résumé, le projet de loi cherche à intégrer le parti pris américain dans la structure de gouvernance de l'AMA, sous la menace de suspendre le financement si cela n'est pas le cas. Cette décision est non seulement ironique compte tenu des allégations infondées de M. Tygart sur la partialité de la Chine dans le cadre de l'affaire des nageurs chinois, mais elle saperait également les réformes de gouvernance de l'AMA et irait à l'encontre des valeurs démocratiques et des principes de bonne gouvernance. En tant qu'organisme international de régulation, l'AMA ne peut céder à l'ultimatum "argent contre influence" d'aucun pays. On ne peut qu'imaginer ce que M. Tygart dirait si la Chine ou la Russie cherchaient à adopter une législation similaire. Si seulement il mettait autant d'efforts à combler les graves lacunes de la lutte antidopage aux États-Unis.
En ce qui concerne ce dernier point, depuis 2020, l’AMA exhorte l’USADA à tenir compte du fait que plus de 90 % des sportifs aux États-Unis – ceux des systèmes sportifs universitaire et professionnel – ne concourent pas sous la protection du Code mondiale antidopage. En fait, en 2020, M. Tygart lui-même a témoigné devant le Congrès et, se référant à la National Collegiate Athletic Association (NCAA), a exprimé de sérieuses inquiétudes quant au fait que des étudiants sportifs étrangers pourraient venir aux États-Unis et passer des « vacances dopantes » en participant aux événements de la NCAA (voir l’horodatage de la vidéo 1:33:58). Nombre d’entre eux participent ensuite aux Jeux olympiques et paralympiques. Pourtant, au cours des cinq années qui se sont écoulées depuis ces commentaires, il semble que M. Tygart n’ait pas été en mesure ou n’ait pas eu la volonté d’apporter un quelconque changement positif.
Malheureusement, la situation aux États-Unis risque de continuer à se détériorer avec la première édition des Enhanced Games qui aura lieu à Las Vegas, dans le Nevada, en 2026. Il est frappant de constater que, malgré la réaction globale des sportifs, des gouvernements, des fédérations sportives et des organisations antidopage contre cette manifestation qui encourage dangereusement et de manière irresponsable les sportifs à se doper, aucun effort ne semble avoir été fait par l'USADA ou d'autres autorités américaines pour l'empêcher de se tenir.
Comme toujours, l'AMA serait heureuse de discuter de ces questions avec les autorités gouvernementales américaines, en particulier avec l'ONDCP.
(1) Pour 2024, l'ONDCP n'a pas honoré son engagement auprès de l'AMA, dans le cadre de la région des Amériques, de payer sa part convenue de 3,6 millions de dollars.